Ils se regardent entre eux d’un air moqueur. Comme ils allaient prendre mon indifférence pour de l’affectation, je me donne le plaisir de leur apprendre qu’en France nous avons plusieurs milliers de ponts en fer et que, sur le Rhône seulement, on en voit quinze ou vingt, dont un, celui de Tarascon, a plus d’un demi-mille italien de longueur. Là-dessus on m’accable de questions ; on bat des mains, on se récrie, on admire, on envie la France et je vois des larmes d’enthousiasme dans tous les yeux, ce qui flatte mon orgueil patriotique, vu la distance où je suis de mon pays. Ces mêmes gens qui avaient fait une halte si longue pour un petit pont n’ont garde de bouger pour les belles ruines de l’aqueduc de Minturnes, situé à la frontière du Latium. Il y avait quelques marais, au bord de la route, des touffes de roseaux. Le pauvre Marius s’était plongé dans cette vase, comme un lion cerné par les chasseurs. Un prestige singulier s’attache toujours au héros malheureux. Marius ne valait pas mieux que Sylla. On le déteste maître de Rome ; on sourit de pitié en le voyant, vieux et bouffi de vanité, les jambes gâtées par des varices, lutter aux jeux gymnastiques et faire rire la jeunesse à ses dépens. Mais, dans les marais de Minturnes, comme on l’aime ! Comme on tremble qu’il ne soit découvert ! Comme le cœur vous bat de joie lorsqu’il retrouve des partisans et qu’il rentre victorieux dans Rome… pour s’y rendre plus odieux et plus méprisable qu’auparavant !
A midi, nous nous reposons à Mola-di-Gaëta, sur la frontière du royaume de Naples. L’aubergiste prétend que Cicéron est mort précisément devant sa porte et, si on l’excitait par la contradiction, il vous