large de trois pieds. Le magnifico ponte di ferro a bien vingt-cinq pas de longueur. Les voyageurs étaient descendus dans le fossé pour contempler, à leur aise, ce prodige de la civilisation moderne. Pendant ce temps-là, je me trouve en tête-à-tête avec la blonde lectrice. Après avoir essayé de me faire comprendre en français et en italien, j’assemble les trois mots d’anglais dont se compose mon répertoire ; la demoiselle me répond en allemand. Il ne reste plus que le langage par signes. C’est alors que je reconnais combien il est utile de voir des ballets pantomimes. A force de me démener comme les jeunes premiers du théâtre San-Carlo, je viens à bout de formuler ces questions importantes : « Vous avez du chagrin ? Vous pleuriez, hier en partant, vous regrettez donc Naples ? » Elle me répond, dans la même langue : « Je suis au désespoir d’aller par là, du côté de Rome. Mon cœur est déchiré. Ce que j’aime est par ici, déjà bien loin, du côté de Naples. Mes yeux ne le reverront plus ; mes supérieurs, qui ont la couronne de prince sur le front, me rappellent. Je vais partir avec eux pour Vienne ». Je reprends : « Vous aimez beaucoup celui qui est resté par ici ? ». Elle rougit. Je poursuis : « Que fait-il ? Quel est son état ? » Elle répond : « Il peint. C’est un jeune artiste allemand qui voyage en Italie ». — « Eh bien ! Tout n’est pas perdu. S’il vous aime, il saura bien aller vous chercher en Allemagne et vous vous marierez ensemble ». Elle sourit.
— Ah ! che maraviglia ! s’écrie le Carthaginois, sortant du fossé, ché bel ponte !
— Quoi ! signor Français, disent les quatre voyageurs, vous n’avez pas bougé de la voiture ! Cette indifférence est incroyable !