plaint et, une fois que leur mal est passé, on leur pardonne.
J’ai vu, un jour, Agata au bord de la mer demeurer assise pendant une heure, si parfaitement immobile que vous l’eussiez prise pour une statue. Des vieilles femmes, qui l’avaient vue comme moi, s’en allèrent conseiller au père de prendre garde à sa fille, en disant que cette enfant était travaillée par quelque demi-folie. Le père, trop brutal et trop borné pour user de ménagements, défendit à la pauvre fille de sortir seule et la menaça de coups de bâton. Pendant la nuit suivante, on entendit Agata marcher à grands pas dans sa chambre. Elle ouvrit sa fenêtre et chanta une chanson sicilienne que tout le monde connaît ici et dont les paroles disent :
Ce que je voudrais te donner
Comme un gage de mon amour
Que tu puisses conserver
C’est le cœur qui est dans mon sein
Zullino, ayant reconnu la voix de sa maîtresse, fut bien vite sous le balcon. Il apporta une échelle qu’on y trouva le lendemain. Les deux oiseaux prirent leur volée pour Lentini, sans songer que la route est de vingt milles. Un Anglais, qui allait à Syracuse, permit à la toppatelle de s’asseoir sur le mulet aux bagages et nos amoureux arrivèrent ainsi chez l’oncle de Zullino qui les reçut à merveille.
La folie d’Agata ne l’empêcha pas de sentir la nécessité de mettre son honneur en sûreté par un mariage. Lorsque le curé de Lentini refusa d’unir ensemble deux jeunes gens qui ne pouvaient satisfaire à aucune