A peine grimpés sur nos mulets, nous ne pensions plus qu’à jouir de l’air du matin et à regarder le soleil sortir du sein de la mer pour embraser à la fois le ciel et l’eau. Des fragments de colonnes et des traces d’une voie antique éveillèrent notre curiosité. Après deux heures de marche, nous nagions dans la joie au milieu des débris de l’ancienne Syracuse. Nous passâmes les ponts-levis et les fortifications de la ville nouvelle et, avant le moment de la chaleur, nous étions à l’albergo del Sole, où nous avions des chambres très propres, de bons lits et de l’eau fraîche venant de la fontaine Aréthuse. L’Anglais eût seulement un retour de désespoir parce qu’on lui servit, par mégarde, du café à l’eau de mer. Ce fut notre dernière mésaventure. L’auberge del Sole n’a qu’un petit défaut, c’est qu’on n’y mange pas. Les garçons vous regardent avec calme lorsque vous demandez à déjeuner et vous répondent que vous n’êtes point chez un traiteur. Un pas de plus et vous auriez le caravansérail oriental avec ses quatre murs tout nus.
En Italie, le caractère de la population change d’une ville à l’autre. La transition n’est pas moins sensible en Sicile. Syracuse est une des villes les plus réellement antiques qui soient au monde. Les habitants n’ont plus la pétulance moderne de ceux de Catane. La blancheur des visages, la hauteur des tailles et, surtout, le type grec des traits, prouvent que le sang de la Sicile primitive a résisté à l’occupation des Sarrasins. Les physionomies sont intelligentes et un peu dédaigneuses. On reconnaît volontiers le public indolent qui raillait les philosophes et couronnait les poètes. On retrouverait encore les descendants de