Page:De Musset - Nuits, 1911.djvu/63

Cette page a été validée par deux contributeurs.


LA MUSE.

Avant de me dire ta peine,
Ô poète ! en es-tu guéri ?
Songe qu’il t’en faut aujourd’hui
Parler sans amour et sans haine.
S’il te souvient que j’ai reçu
Le doux nom de consolatrice,
Ne fais pas de moi la complice
Des passions qui t’ont perdu.


LE POÈTE.

Je suis si bien guéri de cette maladie,
Que j’en doute parfois lorsque j’y veux songer ;
Et quand je pense aux lieux où j’ai risqué ma vie,
J’y crois voir à ma place un visage étranger.
Muse, sois donc sans crainte ; au souffle qui t’inspire
Nous pouvons sans péril tous deux nous confier.
Il est doux de pleurer, il est doux de sourire
Au souvenir des maux qu’on pourrait oublier.


LA MUSE.

Comme une mère vigilante
Au berceau d’un fils bien-aimé,
Ainsi je me penche tremblante
Sur ce cœur qui m’était fermé.
Parle, ami ; — ma lyre attentive
D’une note faible et plaintive