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Se reculant au fond de son lit de bruyère
Pour gémir, comme fait le juste sur la terre
Quand il voit se placer sur l’autel du Seigneur
Une idole qu’encense un vil adorateur :
« Laissons-les, se dit-elle, en goûter, du ménage !
Ils en viendront sans doute à se plumer en cage,
Et nous serons ainsi suffisamment vengés
De ces pauvres oiseaux qui nous ont affligés.
Le temps est un grand maître, il apprend bien des choses.
S’il forme le bouton, il effeuille les roses.
L’objet qu’on a le plus ardemment désiré,
Cesse, quand on l’obtient, de paraître doré ;
Souvent même à nos cœurs il fait une blessure
Que ne sauraient guérir ni l’art, ni la nature.
Se voyant, mais trop tard, aussi mal assortis,
Ayant devant les yeux des monstres de petits
Qui ne pourront, sans honte, entrer dans le bocage
Où l’on vit célébrer ce triste mariage,
Ces malheureux époux déchirés de remords,
S’en viendront habiter le royaume des morts.
Dans le lugubre champ, qu’on nomme cimetière,
Seront gravés ces mots sur une froide pierre,
À dessein de donner une grande leçon
Aux pauvres amoureux qui perdent la raison :


« Ci-gît un fol hibou ! ci-gît une hirondelle !
À qui l’amour trompeur fit perdre la cervelle.
Passants, plaignez leur sort ! Chrétiens, priez pour eux !
Tâchez, dans vos amours, d’être plus sérieux. » !


Chapelain de Monval.