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Que vous en crèverez de rage et de dépit.
Oh ! si j’avais voulu vous poser dans mon nid.
La nuit, furtivement, comme une douce amante,
Vous n’eussiez pas été, je crois, trop mécontente !
Mais mon cœur noble et pur repousse un tel amour.
Un ange m’a charmé, je l’épouse au grand jour.
Qu’importent les discours d’une foule insensée !
J’élève bien plus haut ma sublime pensée.
Quand il aura tout dit, le monde se taira.
Dieu qui sonde les cœurs, Dieu seul me jugera.
En lui je ne crains pas ces brûlantes colères
Qu’ici pour m’effrayer font siffler des vipères.
Dans l’âme des amis que je croyais avoir,
Si j’avais pu trouver ou même apercevoir
Le plus faible intérêt, l’ombre de la tendresse
Dont m’inonde aujourd’hui ma pure enchanteresse,
Pour reconnaître en eux ce simple attachement
Et ne pas m’exposer à leur ressentiment
Par un suprême effort triomphant de moi-même
J’eusse à leurs pieds brisé ce riche diadème
Dont je vais couronner sans crainte et déshonneur
Cet ange bien aimé qui fait tout mon bonheur.
Qu’on ne me parle plus d’offrir ce sacrifice !
Je ne puis de ma bouche approcher ce calice ;
Ils me l’ont détrempé de vinaigre et de fiel,
Je ne le boirai point, j’en atteste le ciel !
Dieu n’a point fait pour moi le cilice et la haire,
Et ne me défend pas le beau rôle de père.
Sous ses yeux je peux donc, jetant ma plume au vent,
m’échapper sans regrets de ce triste couvent !… »
Ravi d’avoir extrait cette belle tirade
De son jabot chargé de bile et de pommade,
Comme le jeune aiglon qui plane triomphant.