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Son œil est ravissant, sa voix douce et plaintive
Expire dans l’écho que m’apporte la rive.
Que cherche-t-elle ici chez un pauvre vieillard
Qui va bientôt tomber sous la dent du renard ?
Son cœur doit être pur et son âme bien belle
Pour aimer un hibou qui ne bat que d’une aile !
Qui végète ici-bas, sans amis, sans parents,
Et n’a rien pour charmer que l’outrage des ans ! »
Cela dit, il se tut renfermant dans son âme
Le feu qui malgré lui l’embrasait de sa flamme.
Tout se voit, tout s’entend, et les plus sombres nuits
Éclairent fort souvent même le fond d’un puits.
Dès la pointe du jour une vieille chouette,
Ayant bien deviné ce qui troublait sa tête,
S’en vint malignement lui dire : « Bon voisin,
Comment vous portez-vous, cher-ami, ce matin ?
Vous êtes demeuré longtemps sous la rosée ;
Hier, je vous voyais du bord de ma croisée.
J’en gémissais pour vous ; se mettre au lit si tard
N’est pas, à mon avis, bien sain pour un vieillard.
Vous paraissez souffrant, avez-vous de la peine ?
Une amitié sincère auprès de vous m’enchaîne,
Laissez-moi partager, ami, votre douleur.
On est prêt de guérir quand on ouvre son cœur.
N’avez-vous point été piqué par une abeille ?
J’en connais un essaim qui niche en cette treille ;
Leur dard est venimeux, et bien souvent leur miel
Dans les temps orageux peut se changer en fiel.
Si vous avez besoin d’une garde-malade
Je vous offre l’amour d’Oreste et de Pilade. »
Satisfaite d’avoir décoché tous ses traits,
Riant, elle s’en fut dans le sein des forêts :
« Il en tient, se dit-elle, allez ! notre bonhomme !