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Il tournait ses regards sans cesse vers les cieux,
Semblant y rechercher ce bonheur ineffable
Qu’on ne peut rencontrer ici-bas véritable,
Mais que le Seigneur verse au sein de ses élus
Qui tâchent d’arriver au sommet des vertus.
Jamais il ne sortait de son humble cellule ;
Quand le soir ramenait le sombre crépuscule,
Modestement perché sur un lierre touffu
Soutenant son réduit tremblant et vermoulu,
Il faisait son repas d’une mouche volage,
D’un lézard engourdi dormant sous le feuillage,
D’un bourdon importun ; d’un papillon de nuit,
D’un grillon paresseux l’agaçant de son bruit,
D’une chauve-souris imprudente et légère,
Voltigeant dans les brins de l’épaisse fougère
Qui tapissait les bords de son humble logis.
Sage comme un Antoine, exempt de ces soucis
Qui de nos jours, hélas ! se partagent le monde,
Il s’endormait heureux dans une paix profonde.
Mais qui peut s’assurer de rester vertueux ?
De mourir sur la cendre en habit de Chartreux ?
Un beau jour de printemps, une jeune hirondelle
Vint, je ne sais comment, le caresser de l’aile
Formant autour de lui mille et mille contours ;
Il sentit en son cœur s’éveiller les amours.
Ébloui, fasciné, le pauvre anachorète
Comme un jeune étourneau vit s’égarer sa tête ;
Essayant, mais en vain, d’appeler sa raison,
Il se laissa, vaincu, tomber sur le gazon.
« Quelle est, se disait-il, cette belle inconnue,
Qui trace des sillons si légers dans la nue ?
Que son corsage est blanc ! que son plumage est beau !
On dirait un éclair qui miroite dans l’eau.