Page:De Montreuil - Fleur des ondes, 1912.djvu/77

Cette page a été validée par deux contributeurs.
75
l’enlèvement

gardent une attitude fière qui étonne et exaspère leurs ennemis.

La Source, dans sa cachette aérienne, se désespère de ne pouvoir au moins faire un signe à ses amis. Ah ! que ne donnerait-elle pas pour pouvoir seulement leur souffler à l’oreille : « Vous n’êtes pas abandonnés, je veille sur vous. »

Lorsque le cortège eut assez d’avance, elle se glissa à bas de son arbre et reprit sa poursuite, constatant avec épouvante que les fuyards abandonnaient déjà l’épaisseur du bois pour se diriger vers la rivière. Ce fut une nouvelle angoisse ajoutée à sa souffrance. Les Iroquois entendaient regagner immédiatement leur pays ; ils avaient caché leurs canots en quelqu’endroit sûr où ils allaient les reprendre : c’était la fin de toute illusion. Elle devrait abandonner ses amis.

Devant l’écroulement de son dernier espoir, une pensée lui redonne du courage. Cette païenne a vu, tous les soirs, Philippe s’agenouiller pour prier un Dieu qu’elle ne connaît pas ; elle se souvient, et aussitôt s’écrie dans son âme : « Dieu de Philippe, Dieu des Français, laisseras-tu périr tes amis ! » Sa pensée bouleversée s’attache désormais à l’attente de l’improbable. Machinalement, sans plus conjecturer, à la façon d’un chien fidèle, elle suit son maître.

Le soleil annonçait le milieu du jour, lorsque retentirent des cris furibonds, poussés par une multitude. La pauvrette put juger qu’elle était