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prologue

amour fût digne de l’autel que je lui avais élevé dans mon âme. J’avais fait des extravagances pour parer le petit salon j’espérais passer ma vie à ses pieds… Quelques jours avant les épousailles, mon œuvre me parut complète, et je voulus la faire admirer à celle qui l’avait inspirée. Ah ! tenez, je me souviens, comme si tout cela datait d’hier, il faisait un temps superbe, nous avions décidé de parcourir en voiture la distance qui séparait Paris de ma nouvelle propriété. Nous étions partis de grand matin, tous trois, ma fiancée, son frère et moi. J’avais jalousement arrangé ce voyage, voulant que cette première visite laissât dans l’esprit de ma bien-aimée le souvenir d’un enchantement. Ce fut une journée d’ivresse pour moi. Je regardais Jeanne se promener dans les allées de notre petit jardin ; il me semblait que les roses étaient moins fraîches que ses lèvres et les lis moins blancs que son col. J’aurais bien voulu que la belle enfant me témoignât une joie plus vive des sacrifices que j’avais faits pour elle. Mais elle était réservée et timide, autant que son frère était démonstratif : celui-ci m’étourdissait de ses compliments.

Le personnage avait capté ma confiance : je n’avais guère de secrets pour lui. Si je lui parlais plus volontiers de ma tendresse pour sa sœur, je ne lui avais point laissé ignorer, non plus, le déplorable état de ma fortune : il savait que je ne pouvais offrir qu’une petite