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vers québec

ou se chiffonnait en fronces capricieuses, comme un fichu de gaze sous la main d’une coquette. Quelques oiseaux, surpris dans leur retraite, s’envolaient en émiettant de petits cris effarés ; d’autres se balançaient sur leurs ailes déployées, aux notes berceuses de leur chanson.

Les sauvages, quoique habitués à cette poésie du renouveau, n’y étaient pas insensibles ; mais elle captivait plus fortement les Français qui toutefois, en éprouvaient diversement le charme. Pour Philippe, c’était le cadre approprié au doux roman qui commençait à se dessiner dans son cœur ; Paul au contraire, amoureux de la liberté, trouvait sacrilège tout ce qui éloigne l’homme de la nature, et se disait que la civilisation n’est le plus souvent qu’un masque. L’homme reste tel sous l’habit que l’hypocrisie lui taille à sa mode : le méchant sait mieux s’y dissimuler, et le juste, gêné par trop de conventions, devient plus aisément sa victime.

Tout le monde se taisait ; le silence n’était interrompu de temps en temps que par quelqu’exclamation enfantine : une petite main se levait avec convoitise vers un papillon neigeux, la mère souriait, et tout redevenait tranquille.

Cette somnolente quiétude dura plusieurs heures, puis le charme fut rompu. On avait atteint le premier sault. Il fallait mettre pied à terre, afin d’éviter les nombreux rapides qui bouil-