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la résignation

chair un frémissement, et croyait entendre une plainte de la bouche à jamais muette. Il se retournait, tirait à deux mains sur les courroies afin de remettre le fardeau dans le bon chemin, puis il repartait hâtivement. Malgré la fraîcheur de la nuit, des gouttes de sueur perlaient au front du sauvage. Peut-être aussi s’y mêlait-il des larmes !

Le printemps n’avait pas achevé la toilette de la nature ; de place en place, sur le gazon verdissant, l’hiver laissait traîner encore de larges écharpes blanches. Lorsque le soleil éclaira la forêt, il sembla à l’esprit endeuillé du jeune homme qu’il ne l’avait jamais vue ainsi, et que tout serait désormais ombre et chaos dans sa vie.

Vers cinq heures de l’après-midi, il atteignit la bourgade. Les Algonquins à peine remis de l’orgie de la veille, commençaient à comprendre la gravité de la disparition des Français. Les uns accusaient les blancs de s’être enfuis pour courir seuls au devant de leur chef ; les autres attribuaient le coup aux Iroquois. Ceux qui se rappelaient les supplications de La Source, se gardaient bien de révéler leur couardise.

Lorsque parut le morne équipage, le silence se rétablit. Chacun accourut, pour voir plus tôt celui qu’on ramenait en ce piteux état, et reconnaissant La Source, qu’ils aimaient, tous donnèrent des signes d’un profond chagrin. Le