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explication

la civilisation qui la traiterait peut-être en étrangère, cette reine de la forêt se demandait si elle ne s’acheminait pas vers le désenchantement. Son âme sensible éprouvait comme le remords d’une ingratitude en abandonnant son misérable gîte. Il lui semblait entendre de douces voix plaintives qui gémissaient tout bas : « Tu nous regretteras ».

Philippe, devinant l’émotion de sa cousine, lui prodigua des paroles d’encouragement. Tous trois partirent à la file indienne, Fleur des Ondes battant la marche. Ils suivirent, pendant quelque temps, le bord de la rivière, en ayant soin de se tenir à la lisière du bois. C’était par un beau clair de lune, mais de temps en temps, de gros nuages couraient dans le ciel, enveloppant la nature d’un voile opaque.

Dans la blanche lumière de la nuit, sous la protection de leur guide, les fugitifs se sentaient rassurés ; mais quand l’ombre peuplait de fantômes la forêt, ils hâtaient instinctivement leur marche.

Philippe avait franchement peur, et il aurait pu l’avouer sans honte, car ce n’était pas pour lui-même qu’il tremblait, mais bien pour l’aimable et brave fille qui s’était dévouée à le sauver.

Ce fut ainsi, sans prononcer une parole, qu’ils traversèrent le pays et atteignirent la bourgade des Algonquins, à l’heure Le Carcois y ramenait le corps inanimé de sa fiancée.