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Léonard le regarda avec une indulgente surprise.

— Qu’est-ce que tu ne comprends pas ?

— Ô messer Leonardo, ne le voyez-vous pas vous-même ? Ce n’est pas possible… ensemble…

— Au contraire, Giovanni. Je crois que l’un m’aide à exécuter l’autre. Mes meilleures idées pour la Sainte Cène me viennent précisément au moment où je travaille à ce Colosse, et quand je suis au monastère, j’aime rêver à ce mausolée. Ce sont deux jumeaux. Je les ai commencés ensemble. Je les terminerai de même.

— Ensemble ! Cet homme et le Christ ! Non, maître, c’est impossible ! s’écria Beltraffio, ne sachant comment exprimer sa pensée, et sentant son cœur s’indigner de cette insupportable contradiction : c’est impossible !… impossible !

— Pourquoi ? demanda le maître en souriant.

Giovanni voulut dire quelque chose, mais rencontrant le regard calme et étonné de Léonard, il songea qu’il était inutile d’achever sa pensée parce que le maître ne comprendrait pas.

« Quand je regardais la Sainte Cène, pensait Beltraffio, il me semblait que je l’avais deviné. Et voilà que de nouveau je l’ignore. Qui est-il ? Auquel des deux a-t-il dit dans le fond de son cœur : “Voici le dieu !” Cesare a peut-être raison et il n’y a pas de Dieu dans le cœur de Léonard ?