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à sa sagesse, il était mort sur le trône des ducs de Milan.

Un pâle rayon de soleil tomba sur le Colosse.

Giovanni lut dans les doubles plis du menton, dans les yeux terribles, pleins de voracité vigilante, le calme indifférent du fauve repu. Au pied du mausolée il vit, gravées de la main même de Léonard, ces deux strophes :


Expectant animi molemque futuram
Suscipiunt; fluat aes; vox erit: Ecce deus !


Les deux derniers mots le frappèrent : Ecce deus ! Voici le dieu !

— Le dieu, répéta Giovanni en regardant successivement et le Colosse, et la victime transpercée par la lance du triomphateur, de Sforza l’oppresseur.

Et il se souvint du silencieux réfectoire de Santa Maria delle Grazie, des cimes bleutées de Sion, du charme céleste de Jean et du calme de la dernière soirée de l’autre Dieu duquel il est dit : Ecce homo ! Voici l’homme !

Léonard s’approcha de lui.

— J’ai terminé mon travail. Allons. Sans cela on m’appellerait encore au palais ; les tuyaux des cuisines sont abîmés et fument. Il faut partir inaperçus.

Giovanni, les yeux baissés, se taisait. Son visage était pâle.

— Pardonnez-moi, maître ! Je songe et ne comprends pas comment vous avez pu créer ce Colosse et la Sainte Cène en même temps ?