fossés pleins d’eau. Il y faisait sombre, étouffant ; cela sentait la caserne, le pain, le fumier et la soupe d’avoine. L’écho sous les hautes voûtes répétait un langage cosmopolite, les rires et les jurons des mercenaires. Cesare avait le mot de passe. Mais Giovanni, inconnu, fut sérieusement examiné et dut inscrire son nom sur le livre du corps de garde.
Après un second pont, où on les examina à nouveau, ils atteignirent la place intérieure du palais, déserte, la Piazza d’Arme.
Devant eux se dressait la noire silhouette de la tour crénelée dite de Bona de Savoie, bâtie au-dessus du Fossato Morto. À droite se trouvait l’entrée de la cour d’honneur, Corte Ducale ; à gauche l’imprenable citadelle de la Rocchetta, véritable nid d’aigle. Au milieu de la cour s’élevait un échafaudage de bois, entouré de petits appentis et d’auvents cloués à la hâte, mais déjà assombris par le temps et de place en place couverts de lichen jaune. Au-dessus se dressait une statue équestre, le Colosse, haut de douze coudées, œuvre de Léonard de Vinci.
Le coursier gigantesque en argile vert foncé se détachait sur le ciel. Cabré, il foulait un guerrier sous ses sabots.
Le vainqueur étendait le sceptre ducal. C’était le grand condottiere Francesco Sforza, l’aventurier qui vendait son sang pour de l’argent, moitié soldat, moitié brigand. Fils d’un pauvre paysan de la Romagne, il était issu du peuple, fort comme un lion, rusé comme un renard, et grâce à ses crimes, à ses exploits,