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— Giovanni, je te prie, va m’acheter du papier à dessin, une vingtaine de feuilles, un paquet de craie rouge et des pinceaux en putois. Tiens, prends.

— Un ducat. Il n’y aura guère plus de dix sous d’achats. Je vous rapporterai la monnaie…

— Tu ne me rapporteras rien du tout. Ne dis pas de sottises. Tu rendras quand tu voudras. Et à partir de maintenant, je te défends de penser à ces questions d’argent et de m’en parler. Comprends-tu ?

Il se détourna et ajouta en désignant les silhouettes embrumées des mélèzes qui encadraient les berges de Naviglio Grande, le canal droit comme une flèche :

— As-tu observé, Giovanni, comme les arbres prennent dans un léger brouillard une teinte bleutée, et dans un brouillard dense combien ils deviennent d’un gris tendre ?

Il fit encore quelques observations sur la différence des ombres projetées par les nuages sur les montagnes nues en hiver et couvertes de végétation en été.

Puis, se tournant vers son élève :

— Et je sais pourquoi tu t’es imaginé que j’étais avare… Je suis prêt à tenir le pari que j’ai deviné juste. Quand nous avons parlé, toi et moi, du paiement mensuel que tu devais me faire, tu as dû remarquer que je t’ai interrogé et qu’ensuite j’ai inscrit dans mon livre tout ce dont nous étions convenus. Seulement, vois-tu ? il faut que tu saches que c’est une habitude héréditaire que je tiens probablement de mon père, le notaire Piero da Vinci, le plus fin et le plus