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— Messer Leonardo, dit le gamin craintivement, voici pour vous…

Il souleva légèrement le couvercle. Au fond de la boîte dormait une gigantesque araignée.

— J’ai eu bien de la peine à m’en emparer. Elle s’était cachée dans une fente de roche. Trois jours je l’ai guettée. Elle est venimeuse.

La figure de l’enfant s’anima soudain.

— Et si vous la voyiez manger des mouches… ça fait peur !

Il attrapa une mouche et la jeta dans la boîte. L’araignée se précipita sur sa proie, la saisit dans ses pattes velues, et la victime se débattit, bourdonna.

— Regardez, elle mange, elle mange ! murmurait le gamin, frissonnant de plaisir.

Dans ses yeux brûlait une flamme de curiosité cruelle et sur ses lèvres tremblait un sourire incertain.

Léonard aussi se pencha, regarda l’insecte monstrueux. Et tout à coup il sembla à Giovanni qu’ils avaient tous deux la même expression, comme si, malgré l’abîme qui séparait l’enfant de l’artiste, ils s’unissaient dans une égale curiosité de l’horrible.

Lorsque la mouche fut mangée, Jacopo referma la boîte et dit :

— Je la mettrai sur votre table, messer Leonardo, peut-être voudrez-vous encore la regarder. Elle se bat drôlement avec les autres araignées.

Le gamin voulait s’en aller, mais il s’arrêta et leva des yeux suppliants. Les coins de ses lèvres s’abaissèrent, frémirent.