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Alors Marco sortit de sa poche un trousseau de clés – il avait chez Léonard l’emploi de caissier – les jeta sur la table en criant :

— Voilà vos clés, messer ! J’en ai assez ! Je ne vis pas sous le même toit que les vauriens et les voleurs. Ou lui, ou moi !

— Allons, calme-toi, Marco… Je le punirai ! tâchait de concilier le maître.

Par la porte de l’atelier regardaient les élèves et une grosse femme, la cuisinière Mathurine. Elle revenait du marché et tenait encore à la main son panier plein d’ail, de poisson, de gras cormorans et de filandreuses fenocci. Apercevant le petit coupable, la cuisinière agita les bras et se mit à jaser si vite et sans arrêt, qu’on aurait cru une chute de pois secs tombant d’un sac percé.

Cesare aussi se mêla à ce caquetage, exprimant son étonnement que Léonard tolérât dans sa maison ce « païen » de Jacopo, capable des plus cruelles polissonneries. N’avait-il pas dernièrement, avec une pierre, blessé à la jambe le vieil infirme Fagiano, le chien de la maison ? détruit les nids d’hirondelles dans l’écurie ? et son plaisir favori n’était-il pas d’arracher les ailes aux papillons pour savourer leurs souffrances ?

Jacopo restait près du maître, lançant à ses ennemis des regards sournois, ainsi qu’un louveteau cerné. Son visage pâle et joli était impassible. Il ne pleurait pas. Mais rencontrant le regard de Léonard, ses yeux méchants exprimaient une timide prière.

Mathurine glapissait, exigeant une magistrale correction