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ton visage langoureux ; tu te caches du soleil comme une vierge et gardes dans l’ombre la fraîcheur de ta peau, afin de séduire Aphrodite. »

Le chœur des Bacchantes, en opposition au roi irrespectueux, louait Bacchus « le plus terrible et le plus miséricordieux entre les dieux, donnant aux mortels l’ivresse de la joie parfaite ».

Sur les mêmes feuillets, à côté des vers d’Euripide, Giovanni avait inscrit des passages du Cantique des Cantiques : « Buvez et enivrons-nous, bien-aimés. »

Laissant Bacchus inachevé, Léonard commença un tableau plus étrange encore : saint Jean-Baptiste. Il y travaillait avec un tel acharnement et une telle rapidité qu’on aurait pu croire que ses jours étaient comptés, que chaque jour diminuait ses forces et qu’il avait hâte de dévoiler son plus secret mystère, celui que, durant toute sa vie, non seulement il n’avait confié à personne, mais qu’il n’avait même pas osé s’avouer.

En quelques mois le travail était assez avancé pour permettre de deviner la pensée de l’artiste. Le tableau représentait cette grotte obscure excitant la peur et la curiosité, et dont il avait souvent entretenu monna Lisa. Mais cette obscurité qui, tout d’abord, paraissait impénétrable, au fur et à mesure qu’on la contemplait devenait plus transparente, et les ombres les plus noires conservant leur mystère se fondaient avec le jour le plus clair, glissaient et s’anéantissaient en lui, comme une fumée, ou bien comme le son d’une lointaine musique. Et semblable au miracle,