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au printemps en de vastes champs de pavots rouges et de lin bleu. Cette vallée embrumée rappelait la Lombardie, comme l’eau verte de la Loire rappelait l’Adda, avec cette différence que l’une était impétueuse et jeune, et l’autre, calme, lente, fatiguée et vieille.

Au pied du château se pressaient les chaumières d’Amboise, toits pointus couverts d’ardoise noire, scintillante au soleil, et parmi eux des hautes cheminées de briques.

Dans les rues tortueuses tout respirait l’Antiquité.

Au-dessous des corniches et des linteaux, dans les encoignures des croisées, se voyaient, taillés dans la pierre blanche, de gros moines réjouis ramassés sur leurs jambes, de jeunes clercs, de graves docteurs à épaulières à l’expression préoccupée et concentrée. Les mêmes visages se rencontraient dans les rues de la ville : tout respirait le bourgeois cossu, soigneux, parcimonieux, froid et dévot.

Lorsque le roi arrivait à Amboise pour chasser, la ville s’animait : les rues s’emplissaient d’aboiements, de sons de cors ; les vêtements des seigneurs de la cour y mettaient un scintillement inaccoutumé ; la nuit, du château parvenaient des airs de danses et les murs se pourpraient à la lueur des torches.

Mais le roi parti de nouveau, la petite ville se replongeait dans son silence ; durant la semaine elle semblait morte, et ne s’éveillait que le dimanche à l’heure de la grand’messe ou les soirs d’été durant lesquels les enfants organisaient des rondes. Et lorsque la chanson se taisait, régnait un silence profond,