Et son bouffon favori, le moine fra Mariano, avec une dignité philosophique, ajouta :
— Vivons pour notre bon plaisir, Saint-Père, car tout le reste ne compte pas !
Et le pape s’entoura de poètes, de musiciens, de peintres et de savants.
Lorsque François Ier, après sa victoire sur le pape, exigea de lui en cadeau la statue nouvellement découverte de Laocoon, Léon X déclara qu’il se séparerait plutôt d’une relique que de ce chef-d’œuvre.
Le pape aimait ses savants et ses artistes, mais il aimait davantage encore ses bouffons. Il dépensait des sommes fantastiques pour des festins, mais se distinguait par une grande sobriété, étant atteint d’une affection stomacale. Cet épicurien souffrait d’une maladie incurable, une fistule purulente. Son âme, ainsi que son corps, était dévorée par une plaie secrète : l’ennui, un ennui dont rien ne pouvait le distraire.
En politique seulement, il retrouvait son véritable tempérament : il était aussi froidement cruel et aussi parjure qu’Alexandre Borgia.
Quelques jours après son arrivée à Rome, Léonard attendait son tour d’audience au Vatican en écoutant le récit des prouesses du nain Baraballo, nouvellement envoyé des Indes à Sa Sainteté.
— Savez-vous, messer, murmura à l’oreille du peintre son voisin de banquette qui, depuis deux mois, n’avait pu encore obtenir d’audience, savez-vous qu’il existe un moyen de se faire recevoir incontinent par Sa Sainteté ? Il n’y a qu’à se déclarer bouffon.