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possédait la dernière, la plus haute sagesse, car son visage est si beau qu’il semble incarner le dieu olympien et le Titan des ténèbres. Mais maintenant je vois que lui aussi aspire et n’atteint pas, cherche et ne trouve pas, sait mais ne discerne pas. Il est le précurseur de celui qui le suit et qui est au-dessus de lui. Buvons ensemble, mon frère, cette coupe d’adieu en l’honneur de l’Inconnu que nous appelons tous deux : au dernier Réconciliateur.

Respectueusement, dévotieusement, comme si elle accomplissait un superbe mystère, Cassandra but la moitié de la coupe et la tendit à Giovanni.

— Ne crains rien, observa-t-elle, elle ne contient pas de charmes défendus. C’est un vin pur et sacré, fait des grappes de la vigne de Nazareth. C’est le sang le plus pur de Dionysos le Galiléen.

Lorsqu’il eut bu, elle lui posa tendrement ses deux mains sur les épaules et murmura très vite, insinuante :

— Viens ce soir si tu veux tout savoir, viens ; je te conterai un secret que je n’ai confié à personne, je te dévoilerai le dernier tourment et la dernière joie dans lesquels nous serons unis pour l’éternité, pareils au frère et à la sœur, à deux fiancés.

Et dans le rayon de soleil, pénétrant à travers les branches épaisses des cyprès, elle approcha de Giovanni son visage sévère, blanc comme le marbre, impassible sous l’auréole de ses cheveux noirs, vivants tels les serpents de Médée, ses lèvres rouges comme du sang, ses yeux jaunes comme de l’ambre.