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copiait une figure anatomique. Salaino enduisait d’albâtre une planche de tilleul. C’était un joli adolescent, aux yeux naïfs, aux cheveux bouclés – le favori du maître, auquel il servait de modèle pour les anges.

— Croyez-vous, Andrea, demanda Beltraffio, que messer Leonardo aura bientôt terminé sa machine ?

— Dieu sait ! répondit Salaino en sifflant un air de chansonnette, et retroussant les revers de satin brodés d’argent de ses nouveaux souliers. L’année dernière il a passé deux mois dessus, et il n’en est rien advenu que des rires. Cet ours bancal de Zoroastro avait voulu voler à toute force. Plus le maître l’en dissuadait, plus il s’entêtait. Et, imagine-toi, voilà mon âne qui grimpe sur le toit, qui s’enveloppe de vessies de porc pour ne pas se tuer en tombant ; il lève les ailes, s’envole ; le vent, d’abord, l’emporte, et tout à coup Zoroastro culbute les jambes en l’air et tombe dans un tas de fumier. Le lit était doux, il ne s’est point fait de mal, mais toutes les vessies ont éclaté ensemble, produisant un bruit semblable à une salve d’artillerie, effrayant les corneilles des clochers voisins, pendant que notre nouvel Icare se débattait dans son fumier, sans en pouvoir sortir !

À ce moment dans l’atelier entra le troisième élève, Cesare da Sesto, un homme qui n’était plus jeune, au visage bilieux, au regard intelligent et méchant. Dans une main il tenait un morceau de pain et une tranche de jambon, dans l’autre un verre de vin.

— Pfou ! quelle piquette ! cracha-t-il en grimaçant. Et le jambon n’est qu’une semelle. N’est-ce pas