— Oui, celui qui, à ses ennemis galiléens et à soi-même, semblait un apostat, mais n’a pas osé l’être…
Elle s’arrêta, hésitant à achever sa pensée, puis ajouta tout bas :
— Si tu savais, Giovanni, si je pouvais tout te dire ! Mais non, il est trop tôt encore. Je ne te dirai que ceci : il existe un dieu, parmi les dieux olympiens, plus proche que tous les autres de ses frères ténébreux ; un dieu lumineux et sombre comme le crépuscule matinal, impitoyable et bienfaisant comme la mort, descendu sur la Terre et ayant donné aux mortels l’oubli mortel – feu nouveau du feu de Prométhée – dans son propre sang, dans l’enivrement du suc des vignes. Qui parmi les hommes, ô mon frère, comprendra et dira à l’univers que la sagesse du couronné de pampres est égale à celle du couronné d’épines ? As-tu compris de qui je parle, Giovanni ? Sinon, tais-toi, n’interroge pas, car en cela réside un mystère dont on ne peut encore parler.
Les derniers temps, Giovanni avait senti naître en lui une hardiesse de pensée qui lui était inconnue. Il ne craignait rien, parce qu’il n’avait rien à perdre. Il sentait que ni la foi de fra Benedetto ni la science de Léonard ne calmeraient ses tourments, ne résoudraient les doutes dont son âme se mourait. Seulement, dans les sombres prophéties de Cassandra, il croyait distinguer vaguement la plus terrible et l’unique voie de conciliation, et il l’y suivait avec une bravoure désespérée.