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pensé à celui-ci durant son absence de Florence et l’avait presque oublié.

Un tel calme et une telle clarté régnaient dans son cœur en cet instant, il était prêt à adresser de si conciliantes paroles à son rival, qu’il lui semblait impossible que Michel-Ange ne les comprît pas.

— J’ai entendu dire que messer Buonarotti était un grand connaisseur de Dante, répondit Léonard avec un sourire tranquille et poli, en désignant Michel-Ange. Il vous expliquera mieux que moi ce passage.

Michel-Ange, selon son habitude, marchait la tête baissée, sans regarder ni à droite ni à gauche, et ne s’aperçut de la réunion qu’en y arrivant tout proche. Entendant son nom prononcé par Léonard, il s’arrêta et leva les yeux.

Timide et craintif jusqu’à la sauvagerie, les regards des gens le troublaient, parce qu’il n’oubliait pas sa laideur et en souffrait beaucoup, croyant être la risée de tout le monde.

Pris au dépourvu, il se décontenança au premier instant, clignant de ses yeux effarés, grimaçant douloureusement sous les rayons du soleil et le regard des hommes. Mais lorsqu’il vit le clair sourire de son rival qui, involontairement, le toisait de haut en bas (Léonard étant beaucoup plus grand que Michel-Ange), sa timidité, comme cela lui arrivait souvent, se transforma en rage. Il ne put tout d’abord prononcer une seule parole. Son visage tantôt s’empourprait et tantôt blêmissait. Enfin, avec effort, il balbutia d’une voix étranglée :