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— Messer, messer Leonardo ! l’appela-t-on. Venez, je vous prie, juger notre discussion.

Il s’arrêta.

Il s’agissait de quelques vers ambigus du chapitre trente-quatre de l’Enfer de la Divine Comédie, dans lequel le poète parle du géant Dite, enfoncé dans la glace à mi-corps, tout au fond du puits maudit.

Tandis que le vieux et riche lainier expliquait à l’artiste le sujet de la dispute, Léonard, clignant des yeux, regardait au loin dans la direction du quai Acciaioli d’où s’avançait d’un pas lourd et gauche un homme négligemment et pauvrement vêtu, voûté, osseux, avec une tête énorme couverte de durs cheveux noirs bouclés, une barbiche de bouc, des oreilles écartées, un visage plat à larges mâchoires. C’était Michel-Ange Buonarotti.

Ce qui accentuait sa laideur presque repoussante, c’était son nez, cassé et aplati par un coup de poing reçu dans sa jeunesse au cours d’une bataille avec un sculpteur rival, que les méchantes plaisanteries de Michel-Ange avaient exaspéré. Les prunelles jaunes de ses yeux avaient d’étranges reflets pourpres. Les paupières étaient enflammées, presque dépourvues de chair, et rouges par suite du travail de nuit durant lequel Buonarotti attachait une lanterne ronde à son front – ce qui le faisait ressembler à un cyclope.

— Eh bien ! messer, quel est votre avis ? demanda-t-on à Léonard.

Léonard espérait toujours que sa brouille avec Buonarotti se terminerait par la paix. Il n’avait plus