Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/65

Cette page n’a pas encore été corrigée

De nouveau s’accumulèrent les chiffres, les ratures, les divisions, les racines cubiques et carrées.

La seconde nuit d’insomnie s’achevait inaperçue.

Revenu de Florence à Milan, Léonard depuis un mois n’était même pas sorti, occupé de sa machine volante.

Des branches d’acacia blanc se faufilaient par la croisée ouverte, égrenant par instants sur la table leurs fleurs délicates et odorantes. Le clair de lune, adouci par des brouillards roux à reflets de nacre, tombait dans la chambre, se mêlant à la lumière rouge de la chandelle.

La pièce était encombrée de machines, d’appareils d’astronomie, de physique, de chimie, d’anatomie. Des roues, des leviers, des ressorts, des hélices, des timons, des pistons et autres accessoires mécaniques – en cuivre, en acier, en verre –, pareils à des membres de monstres ou d’insectes géants, saillaient de l’ombre, s’enchevêtrant. Ici, une cloche de plongeur, le cristal irisé d’un appareil d’optique représentant un œil d’immense dimension, le squelette d’un cheval, un crocodile empaillé. Là, dans un bocal plein d’alcool, un fœtus grimaçant, pareil à une grosse larve, des patins en forme de barque pour marcher sur l’eau, et à côté, transfuge de l’atelier de peinture, une charmante tête en terre grise, tête de jeune vierge ou d’ange au sourire malicieux et triste.

Au fond, dans la gueule béante du four en fonte, des charbons rougissaient encore sous les cendres.

Et au-dessus de tout cela, du parquet jusqu’