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pas, au seuil de la vieillesse, éclairant sa solitude, l’âme vivante, l’âme sœur ? La repousserait-il, la renierait-il, comme il l’avait déjà fait tant de fois pour son existence en faveur de la contemplation ? Sacrifierait-il de nouveau le proche pour le lointain, le réel pour l’irréel ? Qui choisirait-il, la Gioconda vivante ou l’immortelle ? Il savait que préférant l’une, il perdrait l’autre, et elles lui étaient également chères ; il savait aussi qu’il lui fallait prendre un parti. Mais sa volonté était impuissante. Il voulait et ne pouvait décider ce qui vaudrait mieux : tuer la vivante pour l’immortelle ou l’immortelle pour la vivante – celle qui était ou celle qui serait toujours ?

Il se trouva devant sa maison. Les portes étaient fermées ; les lumières éteintes. Il leva le heurtoir pendu à une chaîne et frappa. Le gardien ne répondit pas ; il était sorti ou dormait. Les coups répétés par l’écho de l’escalier de pierre s’affaiblirent. Le silence régna. Le clair de lune semblait le rendre plus profond encore. Et tout à coup retentirent des sons lourds, lents et métalliques, les sons de l’horloge de la tour voisine. Leur voix disait le silencieux et menaçant vol du temps, la sombre vieillesse solitaire, l’irrémédiable fuite du passé.

Et longtemps le dernier son trembla et se balança dans l’atmosphère lunaire, s’épandant en ondes harmonieuses répétant :


Di doman non c’è certezza.
Et ne compte pas sur demain.