Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/646

Cette page n’a pas encore été corrigée

en soi-même cet obstacle et comprit que tôt ou tard il devrait décider si elle était pour lui un être vivant ou une vision, le reflet de sa propre âme dans le miroir de la beauté féminine. Il gardait l’espoir que la séparation éloignerait la solution de ce problème et il se réjouissait presque de quitter Florence. Mais à mesure que l’heure de la séparation approchait, il comprenait qu’il s’était trompé, que non seulement la séparation n’éloignerait pas la solution mais encore qu’elle la brusquerait.

Absorbé par ces pensées, il ne s’aperçut pas qu’il s’était engagé dans une impasse déserte, et lorsqu’il s’orienta il ne sut de prime abord où il se trouvait. Le campanile de Giotto surgissant au-dessus des toits des maisons lui apprit qu’il n’était pas loin de la cathédrale. Un côté de la ruelle était plongé dans l’obscurité, l’autre, tout baigné par la blanche lumière de la lune.

Devant un balcon, des hommes drapés dans des mantes noires, le visage caché par des masques, chantaient une sérénade. Il écouta. C’était la vieille chanson d’amour de Laurent de Médicis, infiniment heureuse et mélancolique, que Léonard aimait particulièrement pour l’avoir entendue dans sa jeunesse :


Oh ! que la jeunesse est belle
Et éphémère ! Chante et ris
Et sois heureux si tu le veux.
Et ne compte pas sur demain.


Le dernier vers se répercuta dans son cœur en un sombre pressentiment. La destinée ne lui envoyait-elle