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roue du moulin de Ponte alla Caraia. La journée avait été oppressante. Mais sur le soir, la pluie avait rafraîchi l’air. De l’Arno montait une odeur d’eau chaude. De derrière la colline San Miniato, la lune se levait. À droite, le long de la berge de Ponte Vecchio, s’alignaient de vieilles masures reflétées dans le fleuve à demi stagnant. À gauche, au-dessus des contreforts du mont Albano, tendrement mauves, tremblait une étoile solitaire.

La silhouette de Florence se découpait sur le ciel pur, comme le frontispice sur le fond or terni des vieux livres, silhouette unique au monde, vivante tel un visage humain. Au nord, l’antique clocher de Santa Croce, puis la tour droite et sévère du Palazzo Vecchio, le campanile de marbre blanc de Giotto, la coupole en tuiles rouges de Santa Maria del Fiore, pareille à l’antique fleur géante encore non ouverte, le Lys rouge, et toute Florence, dans la double lumière du crépuscule et de la lune, paraissait une énorme fleur sombre, argentée.

Léonard remarqua que chaque ville, ainsi que chaque être, a son odeur particulière. Il lui semblait que celle de Florence rappelait la poussière moite, comme les iris, mêlée au parfum du vernis et des couleurs des très vieux tableaux.

Sa pensée alla vers Gioconda. Il la connaissait presque aussi peu que Giovanni. L’idée qu’elle avait un mari, messer Francesco, maigre, grand, avec une verrue sur la joue gauche et d’épais sourcils, un homme positif aimant à discuter les privilèges de la