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homme lui déclara qu’il le considérait comme son maître, le plus grand artiste de l’Italie, et que Michel-Ange n’était pas digne de dénouer les cordons des souliers de Léonard.

Plusieurs fois encore Vinci revit ce jeune homme, causa longuement avec lui, examina ses dessins ; et plus il l’étudiait, plus il se convainquait qu’il avait devant lui un futur grand artiste. Attentif et sensible à tous les échos, condescendant à toutes les influences comme une femme, il imitait le Pérugin, Pinturicchio et particulièrement Léonard. Mais sous ce manque de maturité, le maître devinait en lui une fraîcheur de sentiment telle qu’il ne l’avait encore rencontrée chez personne. Ce qui le surprenait le plus, c’était que cet enfant pénétrait les plus grands mystères de l’art et de la vie, comme par hasard, sans le désirer, et parvenait à vaincre les plus hautes difficultés avec légèreté, comme en un jeu. Tout lui venait sans effort, comme si n’existaient point pour lui dans l’art ni les infinies recherches, ni les indécisions, ni les perplexités qui avaient été le tourment et la malédiction de toute la vie de Léonard.

Et lorsque le maître lui parlait de l’indispensable étude lente et patiente de la nature, des règles de mathématique, des lois de la peinture, le jeune homme fixait sur lui ses grands yeux étonnés et, visiblement ennuyé, n’écoutait attentivement que par déférence pour le maître.

Un jour il lui échappa une parole qui surprit, effraya presque Léonard par sa profondeur :