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s’élever parce qu’il a les jambes courtes. Voilà pourquoi deux échelles, pour remplacer les pattes. »

Léonard savait par expérience que la perfection d’une machine exigeait l’élégance et les justes proportions observées dans toutes les parties : l’aspect bête des échelles froissait l’inventeur.

Il se plongea dans des déductions mathématiques, chercha l’erreur et ne put la trouver. Et tout à coup il raya d’un trait la page pleine de chiffres minuscules, dans la marge inscrivit : « Non è vero – Pas exact », et ajouta en biais, d’une grosse écriture énervée, son juron favori : « Satanasso ! – Au diable ! »

Les calculs devenaient de plus en plus embrouillés. L’imperceptible erreur prenait des proportions inquiétantes.

La flamme de la bougie sautillait irrégulièrement, agaçant les yeux. Le chat, ayant achevé son somme, sauta sur la table de travail, s’étira, fit le gros dos et commença de jouer avec un oiseau empaillé rongé par les mites et qui servait à l’étude de la pesanteur du vol. Léonard poussa avec humeur le chat qui faillit tomber et miaula plaintivement.

— Allons, c’est bien ! Couche-toi où tu veux. Mais ne me gêne pas.

Il caressa tendrement le poil noir de son favori. Des étincelles crépitèrent dans la fourrure. Le chat replia ses pattes de velours, s’étala majestueusement, ronronna et fixa sur son maître ses prunelles vertes pleines de morbidesse et de mystère.