— Ah ! oui ! je sais !… Une voix de poissarde, et parfumée comme une boutique de cosmétiques…
Gioconda sourit.
— Madonna Safonizba désirait vivement me raconter la fête du Palazzo Vecchio donnée par la signora Argentina, la femme du gonfalonier ; ce qu’on avait mangé au souper, qui portait la plus jolie toilette et quel homme courtisait telle femme…
— Je le pensais bien ! Ce n’est pas la maladie de Dianora, mais le bavardage de cette crécelle qui vous a indisposée. Comme c’est étrange ! Avez-vous remarqué, madonna, que parfois une absurdité quelconque que nous entendons de gens qui nous sont indifférents et qui ne nous intéressent guère – la bêtise ou la trivialité ordinaires – suffit pour assombrir subitement notre âme et nous impressionner plus qu’une peine personnelle ?
Elle inclina silencieusement la tête : il était visible que depuis longtemps ils étaient habitués à se comprendre presque sans mots, par une allusion, par un regard.
Il essaya de reprendre son travail.
— Racontez-moi quelque chose, dit monna Lisa.
— Quoi ?
Après un instant de réflexion, elle répondit :
— Le Royaume de Vénus.
Léonard savait ainsi plusieurs récits favoris de Gioconda, dont il empruntait le sujet à ses souvenirs, aux voyages, aux observations de la nature, à ses projets de tableaux. Il employait presque toujours