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Il avait entendu dire par Léonard que tous les artistes étaient entraînés à transporter leurs propres traits et leur propre forme dans les portraits qu’ils peignaient. Le maître attribuait cet effet à ce que l’âme humaine étant la créatrice du corps, chaque fois qu’elle imagine un autre corps, elle tend à répéter ce qui a déjà été créé par elle, et telle est la puissance de cette inclination que parfois même dans des portraits, en dépit des traits différents, transparaît l’âme de l’artiste.

Ce qui se passait sous les yeux de Giovanni maintenant était plus surprenant encore : il lui semblait que non seulement le portrait, mais même monna Lisa elle-même devenait de plus en plus ressemblante à Léonard – comme cela arrive aux gens vivant continuellement et longtemps ensemble. Cependant, la ressemblance n’existait pas dans les traits, mais spécialement dans les yeux et dans le sourire… Il se rappelait, non sans étonnement, qu’il avait vu ce même sourire chez saint Thomas sondant les plaies du Christ, statue de Verrocchio, auquel Léonard jeune avait servi de modèle ; chez Ève devant l’arbre de la science, le premier tableau du maître ; chez l’Ange dans la Vierge aux Rochers ; chez la Léda et cent autres dessins du Vinci lorsqu’il ne connaissait pas encore monna Lisa, comme si durant toute son existence, dans toutes ses œuvres, il eût cherché à refléter sa beauté et son charme, trouvés enfin dans le visage de la Gioconda.

Par instants, quand Giovanni observait longtemps