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de la grossière erreur de ceux qui vous considèrent comme un hérétique et un impie. Souvenez-vous de ce que je vous dis : le jour du Jugement dernier, quand on nous classera brebis et boucs, vous serez parmi les agneaux du Christ et les saints !

— Et avec vous, messer Nicolo ! ajouta l’artiste en riant. Si j’entre au paradis, vous m’y accompagnerez.

— Ah ! non !… Serviteur ! Je cède à l’avance ma place aux amateurs. La tristesse terrestre me suffit.

Et tout à coup son visage s’éclaira de gaieté.

— Écoutez, mon ami, voici un rêve que j’eus un jour. On m’avait amené dans une réunion d’affamés et de dépenaillés, de moines, de courtisans, d’esclaves, d’infirmes et de faibles d’esprit, et on me déclara que là étaient ceux de qui il est dit : « Heureux les pauvres d’esprit, le royaume des cieux leur est ouvert. » Puis on m’emmena dans un autre endroit où je vis une foule de grands hommes assemblés en Sénat : des chefs d’armée, des empereurs, des papes, des législateurs, des philosophes – Homère, Alexandre le Grand, Platon, Marc Aurèle. Ils causaient de sciences, d’arts, d’affaires d’État. Et l’on me dit que c’était l’enfer et les âmes repoussées par Dieu parce qu’elles avaient aimé la sagesse de ce siècle qui est une folie devant le Seigneur. Et on me demanda où je désirais aller : au paradis ou en enfer ? « En enfer, me suis-je écrié, en enfer de suite, avec les sages et les héros ! »

— Si réellement tout se passe comme dans votre rêve, répondit Léonard, j’avoue que moi aussi…