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Sa voix tremblait, dans ses yeux brillait une haine démente, son visage était contracté comme par une insupportable douleur.

Léonard se taisait. Dans son âme passaient des pensées si pures, si simples, si enfantines, qu’il n’aurait su les exprimer par des mots. Il contemplait le ciel bleu à travers les crevasses des murs du Colisée, et il songeait que nulle part la teinte du ciel ne paraissait aussi éternellement jeune et gaie, comme dans les fissures des vieux monuments à demi démantelés.

Jadis les conquérants de Rome, les barbares du Nord, avaient enlevé les crampons de fer qui liaient les pierres du Colisée pour en forger de nouveaux glaives ; et les oiseaux avaient bâti leurs nids dans ces blessures. Léonard suivait des yeux la rentrée des corneilles au nid, et songeait que les puissants Césars qui avaient élevé le monument, les Barbares qui l’avaient détruit, n’avaient pas soupçonné un instant qu’ils travaillaient pour ceux desquels il est dit : « Ils ne sèment pas, ils ne moissonnent pas, et le Père céleste les nourrit. »

Il ne répliquait pas à Machiavel, sentant que celui-ci ne le comprendrait pas, car tout ce qui pour lui, Léonard, était une joie, pour Nicolas était une peine ; le miel de Léonard se transformait en bile chez Nicolas, la profonde haine, chez lui, était fille de la science parfaite.

— Savez-vous, messer Leonardo, dit Machiavel, désirant selon son habitude terminer la conversation sur une plaisanterie, je m’aperçois seulement maintenant