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se saisir de la bête, le moribond aurait crié effrayé : « Laisse-le, laisse-le, c’est le diable ! Lasolo, lasolo, chè il diavolo. » D’autres rapportaient qu’il aurait répété à plusieurs reprises : « Je viens, je viens, mais attends encore un peu », et ils expliquaient ces paroles en disant qu’au conclave chargé de nommer le successeur d’Innocent VIII, Rodrigo Borgia, le futur Alexandre VI, aurait conclu un pacte avec le diable, et vendu son âme pour vingt ans de toute-puissance. On assurait également qu’au moment de la mort du pape, à la tête de son lit apparurent sept démons, et dès qu’il fut mort, son corps commença à se décomposer, à bouillir, rejetant de l’écume par la bouche comme une marmite sur le feu, et que perdant l’aspect humain, le visage était devenu noir comme du charbon.

D’après la coutume, durant neuf jours le corps du pape devait rester exposé dans la cathédrale Saint-Pierre. Mais telle était la terreur inspirée par la dépouille d’Alexandre VI qu’on ne put même décider un seul prêtre à réciter les prières. Longtemps on ne put trouver d’ensevelisseurs, et l’on dut s’adresser à six chenapans prêts à tout pour un verre de vin. Le cercueil ayant été commandé trop court, on enleva la tiare et on tassa tant bien que mal le cadavre, recouvert d’un vieux tapis. On affirmait même que, sans lui accorder l’honneur d’une bière, on l’avait traîné par les jambes à l’aide d’une corde jusqu’à la fosse, comme on avait coutume de le faire pour les pestiférés.