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cristal, le pape ayant une préférence marquée pour la fleur de l’Annonciation, parce que sa pureté lui rappelait madonna Lucrezia.

Les plats n’étaient pas nombreux : Alexandre VI était sobre de nourriture et de boisson.

Se tenant dans la foule des camériers, Giovanni écoutait leurs propos.

Don Juan Lopes amena la conversation sur la dispute de Sa Sainteté avec César et, comme s’il ne soupçonnait pas qu’elle était feinte, commença à défendre le duc avec ardeur.

Chacun le suivit, chantant les louanges de César.

— Ah ! non, non, ne dites pas cela ! murmura le pape avec une grondeuse tendresse. Vous ne savez pas, mes amis, ce qu’est cet homme. Chaque jour j’attends de lui un affront. Rappelez-vous ce que je vous dis, il nous mènera tous au malheur et se cassera lui-même le cou.

Ses yeux eurent un éclair d’orgueil.

— Et de qui tient-il ? Vous me connaissez, je suis un homme simple, incapable de ruse. Tout ce que mon cerveau pense, ma langue le dit. Tandis que César se tait et se cache toujours. Croyez-moi, messieurs, parfois je crie après lui, je m’emporte, je l’injurie et j’ai peur, oui, oui, j’ai peur de mon fils, parce qu’il est poli, trop poli, et quand subitement il vous regarde, on sent le poignard dans le cœur…

Les invités accentuèrent davantage encore leurs louanges.

— Oui, je sais, je sais, dit le pape avec un sourire