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— Votre Sainteté, commença à s’excuser le galant Français, je ne voudrais pas être la cause d’une colère…

— Vous avez donc entendu ? s’étonna naïvement le pape.

Et sans lui laisser le temps de réfléchir, d’un geste amical il lui prit le menton entre deux doigts – signe de particulière faveur – et commença à protester impétueusement de son dévouement au roi, de la pureté des intentions du duc.

L’ambassadeur écoutait ahuri, étourdi, et bien qu’il eût presque des preuves irréfutables d’une trahison, il était prêt plutôt à ne plus y croire, s’il en jugeait d’après l’expression des yeux, du visage et de la voix du pape.

Le vieux Borgia mentait naturellement et d’inspiration. Jamais un mensonge n’était combiné à l’avance, il se formait sur ses lèvres aussi innocemment et inconsciemment qu’un mensonge d’amour sur des lèvres de femme. Toute sa vie il avait entretenu et développé cette faculté, et enfin avait atteint un tel degré de perfection que, bien que tout le monde sût qu’il mentait – que, d’après l’expression de Machiavel, « moins le pape a le désir d’exécuter quelque chose, plus il multiplie ses serments » –, tout le monde le croyait, car le secret de la puissance de ce mensonge résidait en ce que lui-même y ajoutait foi et, comme un artiste, se laissait entraîner par son imagination.