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était un don promis à Santa Maria del Popolo, en reconnaissance de la guérison de madonna Lucrezia.

Assis près d’une croisée, le pape examinait des pierres précieuses. Il les aimait à la passion. De ses doigts longs et fins il les touchait doucement, les remuait, en avançant ses lèvres voluptueuses.

Une grande chrysolithe, plus sombre que l’émeraude, avec des étincelles d’or et de pourpre, lui plut particulièrement. Il ordonna qu’on lui apportât, de son trésor particulier, sa cassette de perles fines.

Chaque fois qu’il l’ouvrait, il songeait à sa bien-aimée fille Lucrezia, si semblable à la pâle nacre. Cherchant des yeux, parmi les seigneurs, l’ambassadeur du duc de Ferrare, Alphonse d’Este, son gendre, le pape l’appela auprès de lui.

— Souviens-toi, Beltrando, n’oublie pas les friandises pour madonna Lucrezia. Tu ne dois pas rentrer auprès d’elle de chez son oncle les mains vides…

Il se nommait « oncle » parce que, dans les papiers d’État, madonna Lucrezia était notée comme sa nièce, le premier prélat de l’Église ne pouvant avoir d’enfants légitimes.

Il fouilla dans sa cassette, en retira une perle de la grosseur d’une noisette, rose et allongée, d’une valeur inestimable, la leva vers le jour et se pâma en admiration : il l’imaginait ornant le grand décolleté de la robe noire de madonna Lucrezia et il hésita, ne sachant à qui la donner : à la duchesse de Ferrare ou à la Vierge Marie ? Mais, songeant de suite que ce serait un péché d’enlever à la Vierge un don promis,