Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/593

Cette page n’a pas encore été corrigée

III

Il avait été fort beau dans sa jeunesse. On assurait qu’il lui suffisait de regarder une femme pour lui inspirer la plus folle passion, comme si dans ses yeux se trouvait concentrée une force qui attirait vers lui les femmes, comme l’aimant attire le fer. Jusqu’à présent ses traits, quoique envahis par la graisse, avaient gardé la pureté des lignes. Il avait le teint bronzé, le crâne chauve avec quelques touffes de cheveux gris, un grand nez aquilin, un menton rentré, des petits yeux pleins d’extraordinaire vivacité, des lèvres charnues, avançant avec une expression voluptueuse, rusée et, en même temps, presque naïve.

En vain, Giovanni cherchait dans l’aspect de cet homme quelque chose de terrible ou de cruel. Alexandre Borgia possédait au plus haut point la bienséance mondaine et l’élégance de race. Tout ce qu’il disait ou faisait semblait précisément être ce qu’il fallait dire ou faire. « Le pape a soixante-dix ans, écrivait un ambassadeur, mais il rajeunit chaque jour ; les plus lourds soucis ne lui pèsent pas plus de vingt-quatre heures ; il a une nature gaie ; tout ce qu’il entreprend sert ses intérêts ; il est vrai qu’il ne songe à rien qu’à la gloire et au bonheur de ses enfants. »