— Aucunement. Elle a chanté la messe on ne peut mieux. Grandeur, sainteté, beauté angélique ! Il me semblait que je n’étais plus sur cette terre, mais au ciel, parmi les élus de Dieu. Et je n’ai pu retenir mes larmes, et je n’étais pas seul, lorsque le pape a élevé le saint ciboire…
— De quoi donc est mort le cardinal Michiele ? demanda le nouvel ambassadeur de France.
— D’avoir bu ou mangé des choses contraires à son estomac, répondit à mi-voix don Juan Lopes, Espagnol de naissance comme la plupart des familiers d’Alexandre VI.
— On assure, murmura Beltrando, que vendredi, le lendemain de la mort de Michiele, Sa Sainteté a refusé de recevoir l’ambassadeur d’Espagne qu’il attendait avec une vive impatience, donnant pour prétexte la peine que lui avait causée la mort du cardinal.
Les assistants échangèrent un rapide coup d’œil.
Dans cette conversation se cachait un sens secret : ainsi, la peine causée au pape par la mort du cardinal Michiele signifiait qu’il n’avait pu recevoir l’ambassadeur, étant trop occupé durant toute la journée à compter l’argent du défunt ; la nourriture contraire à l’estomac de Son Excellence n’était autre que le célèbre poison des Borgia, poudre blanche et sucrée, qui tuait lentement et à terme fixé d’avance, ou encore une décoction de cantharides finement pilées. Le pape avait inventé ce rapide et facile moyen de se procurer de l’argent. Il suivait avec attention les revenus des cardinaux et, en cas d’urgence, il se débarrassait du premier qui lui paraissait