Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/586

Cette page n’a pas encore été corrigée

couvée étrangère avec une voix trompeuse : « Venez à moi, dira-t-il, vous tous qui peinez et qui souffrez, et je vous consolerai. »

— S’il en est ainsi, dit Giovanni, qui donc le reconnaîtra et le démasquera ?

Le moine fixa sur lui un regard profond, scrutateur, et répondit :

— Pour l’homme ce sera impossible, Dieu seul le pourra. Les saints même ne le reconnaîtront pas, car leur raison sera troublée et leurs pensées se dédoubleront, si bien qu’ils ne verront point où est la lumière et où sont les ténèbres. Et il régnera parmi les peuples une tristesse et une perplexité comme il n’en aura existé depuis la création du monde. Et les hommes diront aux montagnes : « Tombez et cachez-nous », et ils frémiront d’effroi dans l’attente des catastrophes, car les forces célestes seront ébranlées. Et alors celui qui trônera dans le temple de Dieu Très Haut dira : « Pourquoi vous troublez-vous et que désirez-vous ? Les agneaux n’ont donc pas reconnu la voix de leur pasteur ? Ô race infidèle et perfide ! Vous voulez un miracle – je vous le donnerai. Voyez, je monte parmi les nuages juger les vivants et les morts. » Et il prendra de grandes ailes de feu, préparées par la ruse démoniaque, et il s’élèvera au ciel parmi les éclairs et le tonnerre, entouré de ses disciples, transfigurés en anges – et il volera…

Giovanni écoutait, pâle, les yeux brillants et fixes, pleins de terreur : il revoyait les larges plis du vêtement de l’Antéchrist dans le tableau de Luca Signorelli,