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à peine achevées. Une de ces fresques représentait la venue de l’Antéchrist.

Le visage surprit Giovanni. Tout d’abord il lui parut méchant, mais en le regardant longuement, il vit qu’il n’était qu’infiniment douloureux. Dans les yeux clairs au regard humble se reflétait le dernier désespoir de la Sagesse qui a renié Dieu. En dépit de ses disgracieuses oreilles pointues de satyre, de ses doigts déformés, pareils à des griffes de fauve, il était superbe. Et Giovanni, comme jadis dans son délire, était de nouveau étonné de la ressemblance, frappante jusqu’à la terreur, avec un visage divin, qu’il voulait ni n’osait reconnaître.

À gauche, dans ce même tableau, était représentée la chute de l’Antéchrist. Élevé jusqu’aux cieux par des ailes invisibles, l’ennemi du Sauveur, frappé par un ange, tombait dans un gouffre. Ce vol malheureux, ces ailes humaines, éveillèrent en Giovanni de terribles pensées sur Léonard.

En même temps que Beltraffio, deux hommes admiraient ces fresques : un grand et gras moine d’une cinquantaine d’années, et son camarade, homme d’un âge incertain, au visage affamé et joyeux, vêtu comme un clerc vagabond, un de ceux qu’on appelait des « errants » ou des « goliards ».

Ils firent connaissance et partirent ensemble. Le moine était un Allemand de Nuremberg, le savant bibliothécaire du couvent des Augustins, et se nommait Thomas Schweinitz. Il se rendait à Rome pour débattre la question des bénéfices et des privilèges.