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Beltraffio se souvint de son orgueil, de son amour de la science, de son désir de quitter fra Benedetto et de s’adonner à la dangereuse et peut-être impie science de Léonard. Il se souvint de la dernière nuit sur la colline du Moulin, la Vénus ressuscitée, son enthousiasme coupable devant la beauté de la Diablesse blanche, et, tendant les bras vers le ciel, il gémit :

— Pardonne-moi, Seigneur ! Je t’ai offensé. Pardonne et aie pitié de moi !

Et, au même instant, relevant son visage inondé de pleurs, il aperçut, toute proche, la silhouette majestueuse de Léonard de Vinci. L’artiste, debout, appuyé contre une colonne, tenait dans sa main droite son livre inséparable ; de la gauche, il dessinait, jetant de temps à autre un regard vers la chaire, espérant probablement revoir une fois encore la tête du prédicateur.

Étranger à tout et à tous, seul, dans cette foule matée par la terreur, Léonard avait conservé son sang-froid. Dans ses yeux bleu pâle, sur ses lèvres minces, serrées fermement comme chez les gens habitués à l’attention et à la précision, se lisait, non pas la moquerie, mais la même expression de curiosité avec laquelle il mesurait mathématiquement le corps d’Aphrodite.

Les larmes séchèrent dans les yeux de Giovanni, la prière expira sur ses lèvres.

Sortant de l’église, il s’approcha de Léonard et le pria de lui montrer son dessin. L’artiste tout d’abord ne consentit pas, mais Giovanni le suppliait si