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contradiction, sachant qu’en ce moment il renierait sa pitié pour Marie, comme une faiblesse honteuse.

— Qui vivra verra, Nicolas, répondit Léonard. Mais voilà ce que je voulais vous demander : pourquoi précisément aujourd’hui, vous êtes-vous convaincu que César était l’élu de Dieu ? Le piège de Sinigaglia vous a-t-il plus clairement que toutes ses autres actions convaincu qu’il était un héros ?

— Oui, répliqua Nicolas, maître de lui-même et feignant l’impartialité. La perfection de cette tromperie, plus que tous les autres actes du duc, démontre qu’il possède à un rare degré les qualités les plus grandes et les plus opposées.

« Remarquez que je ne loue, ni ne blâme ; j’étudie simplement. Et voilà mon opinion : pour atteindre n’importe quel but, il existe deux façons : l’une légale, l’autre de violence. La première, humaine ; la seconde, bestiale. Celui qui veut gouverner doit posséder les deux façons : savoir selon les circonstances être un homme ou une brute. C’est le sens caché de la légende d’Achille et autres héros, nourris par le centaure Chiron, demi-dieu, demi-bête. Les rois, pupilles du centaure, comme lui réunissent les deux natures. Les hommes ordinaires ne supportent pas la liberté, ils la craignent plus que la mort et, lorsqu’ils ont commis un crime, plient sous le poids du remords. Un héros, choisi par la destinée, a seul la force de supporter la liberté, piétinant les lois sans crainte, sans remords, restant innocent dans le mal, comme les fauves et les dieux. Aujourd’hui, pour la