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— Guet-apens ? l’arrêta Machiavel. Quand il s’agit, messer, de sauver la patrie, il ne peut être question de guet-apens, ni de fidélité, de bien et de mal, de charité et de cruauté ; tous les moyens sont bons, pourvu que le but soit atteint.

— Où voyez-vous qu’il s’agit de sauver la patrie. Nicolas ? Il me semble que le duc pensait uniquement à ses propres intérêts…

— Comment ? Et vous, vous ne comprenez pas ? Mais c’est clair comme le jour ! César est le futur unificateur et empereur de l’Italie. Ne le voyez-vous pas ? Il a fallu que l’Italie subisse toutes les misères que peut seulement endurer un peuple, pour que surgisse un nouveau héros, sauveur de la patrie. Et quoique parfois elle eût eu des lueurs d’espoir par des gens qui semblaient les élus de Dieu, chaque fois la destinée la trompait au moment décisif. Et à demi morte, presque sans souffle, elle attend celui qui pansera ses plaies, supprimera les violences en Lombardie, les pillages et les abus en Toscane et à Naples, guérira ses blessures gangrenées par le temps. Et jour et nuit, l’Italie supplie Dieu de lui envoyer le libérateur…

Sa voix se haussa comme une corde trop tendue et se brisa. Il était pâle, tremblant ; ses yeux brûlaient. Mais en même temps, dans cet élan inattendu se sentait quelque chose de convulsif, d’impuissant, semblable à un accès.

Léonard se souvint comme, quelques jours auparavant, sous l’impression de la mort de Marie, il avait traité César de « monstre ». Il ne lui signala pas cette