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chansons ! Quoique ce soient vraiment des scélérats, ils sont tout de même plus généreux que nos splendides Seigneuries.

Il y avait un tel mépris pour lui-même dans les paroles de Nicolas que Léonard ne put se contenir et l’interrompit :

— Ce n’est pas vrai. Pourquoi parlez-vous ainsi, Nicolas ? Ne savez-vous pas que je suis votre ami et que je vous juge autrement que les autres…

Machiavel se détourna et, après un instant de silence, continua d’une voix changée :

— Je sais… ne vous fâchez pas, Léonard. Parfois quand j’ai le cœur trop gros, je plaisante et je ris pour ne pas pleurer.

Et baissant la tête, il ajouta plus bas et plus tristement encore :

— Telle est ma destinée ! Je suis né sous une mauvaise étoile. Tandis que mes égaux, gens de peu, réussissent en toute chose, vivent repus et heureux, acquièrent l’argent et la puissance, je reste derrière tous les autres, oublié et méprisé par tous ces imbéciles. Peut-être ont-ils raison. Oui, je ne crains pas les grands travaux, les privations et les dangers. Mais endurer les mesquines vexations de l’existence, joindre avec peine les deux bouts, trembler pour le moindre sou, non, je ne le puis. Eh ! n’en parlons pas !

Il eut un geste de la main et dans sa voix bruirent des pleurs.

— Maudite existence ! Si Dieu n’a pas pitié de moi, je quitterai tout bientôt, les affaires, monna Marietta,